Jeudi 28 avril entre 16h et 20h
Rangées
Nicolas Muller
Lauréat concours Halle Nord 2022
Les choix formels sont clairs : une gamme d’œuvres abstraites, des non-couleurs comme principe et une économie de moyens. Des lignes droites, des grilles, des rectangles, des carrés et des cubes. Mais aussi des cercles, des courbes, des ovales au sol qui viennent déstabiliser l’orthogonalité de l’accrochage : accidentées, des roues voilées se retrouvent érigées en monuments libres au centre du dispositif. Comme un arrêt sur image, la fluidité de leur mouvement a été stoppée net dans du béton coulé. Ainsi, des lignes se croisent, se rencontrent et se chahutent dans un même champ lexical.
L’ensemble de l’installation Rangées de Nicolas Muller est dominée au fond par d’imposants rectangles vides et pourtant encadrés de halos noirs. Comme les empreintes sur un mur de tableaux absents ou récemment décrochés, ils pourraient évoquer une exposition fictive en négatif ou tout juste démontée. Contrairement aux dires de Frank Stella, artiste minimaliste américain, « ce que vous voyez est ce que vous voyez », Nicolas Muller joue avec des lignes qui s’annulent dans leurs similarités et se complètent dans leurs différences, au profit d’un minimalisme expressif, séquentiel et narratif. Ainsi les grands formats qui semblent avoir disparu du mur du fond sont bel et bien existants et plutôt deux fois qu’une, puisqu’un premier geste a dessiné intuitivement, à équidistance, cinq monochromes noirs. Dessus ont été superposés autant de monochromes blancs, mais organisés avec une rigueur mathématique à l’aide d’une règle. La différence entre le premier passage et le second plus précis évoque la persistance de l’image et sa disparition, et rend assurément tangibles les différentes réalités possibles en un même endroit.
Délicate cartographie de rapports de force et d’équilibre, l’exposition fait œuvre chez Nicolas Muller. Tant il prête attention à tout rapprochement et cohabitation des pièces silencieuses avec leurs voisines plus sonores. Évitant tout flottement dans l’espace, écartant les hiérarchies malvenues entre les éléments. Car tout se mesure à l’aune du dessin : sur le papier, à même le mur, au sol ou dans l’espace. Ligne tracée au graphite, rayon de roue de vélo et découpe dans la feuille parlent un même langage, celui trait. Nicolas Muller met ensuite en évidence les oscillations fécondes qui résultent de la virtuosité du geste et des imprévus qui surviennent, de la matérialité et de la trace, de la maîtrise et de la perte de contrôle. Probablement dans l’idée de rendre le doute fertile, il cherche à déstabiliser un ordonnancement existant au départ par des turbulences gestuelles. Faisant mine tout d’abord de construire ses compositions avec une rigueur épurée, il y glisse ensuite des grains de sable, tiraillé entre le silence et l’agitation, la géométrie et le geste libre, le net et le flou. Une ode à l’anti-spectaculaire qui sait aussi valoriser les zones inframinces, comme ce papier à lettres japonais muté en une partition de lignes verticales subtilement grinçante, mais assurément musicale.
Karine Tissot
Présence de l'artiste les samedis de 14h à 18h
mardi - samedi : 14h/18h